La géopolitique est l’étude de l’influence des facteurs géographiques (relief, climat, ressources naturelles, démographie, etc.) sur les relations internationales et la politique étrangère des États. Elle analyse comment la géographie détermine la puissance des nations et influe sur leurs rivalités.
Les principales théories géopolitiques datent du début du 20ème siècle, avec des auteurs comme Halford Mackinder (théorie du Heartland), Alfred Mahan (théorie de la puissance maritime) et Nicholas Spykman (théorie du Rimland). Elles mettent en évidence l’importance de contrôler certains espaces stratégiques.
Depuis la fin de la Guerre froide, de nouvelles théories géopolitiques émergent, prenant en compte la mondialisation et l’interdépendance croissante entre les nations. La géopolitique critique s’intéresse davantage aux représentations et discours qu’aux déterminismes géographiques.
- Les théories classiques de la géopolitique
1.1 La théorie du Heartland de Halford Mackinder
Selon Mackinder, le contrôle de l’Europe de l’Est, la masse eurasiatique qu’il nomme le Heartland (cœur du monde), est essentiel pour dominer le monde. Cette région possède des ressources naturelles importantes et une position centrale sur le continent eurasiatique.
Cette théorie a inspiré les visées expansionnistes de l’Allemagne nazie et de l’URSS. Elle garde une certaine pertinence avec l’affirmation de la puissance russe aujourd’hui.
1.2 La théorie de la puissance maritime d’Alfred Mahan
Mahan met en avant l’importance de la maîtrise des mers et océans par une puissante flotte de guerre. Celle-ci permet de protéger les voies commerciales et de projeter la puissance à l’étranger.
Cette théorie a inspiré la politique étrangère des États-Unis au 20ème siècle. Elle justifie le maintien d’une présence navale américaine dans le monde.
1.3 La théorie du Rimland de Nicholas Spykman
Spykman considère que c’est la région intermédiaire entre le cœur continental et les marges océaniques (Rimland) qui est véritablement stratégique. Elle permet de contenir la puissance continentale du Heartland.
Cette théorie explique l’importance accordée par les États-Unis aux alliances avec l’Europe et l’Asie orientale pendant la Guerre froide. Elle vise à limiter l’influence de la Russie.
- Théories géopolitiques contemporaines
2.1 La géopolitique après la Guerre froide
La fin de la bipolarité Est-Ouest a remis en cause les grilles de lecture géopolitiques traditionnelles. De nouvelles approches sont apparues.
Certains, comme Brzezinski, considèrent que le contrôle de l’Eurasie reste déterminant. D’autres, comme Attali, estiment que c’est la maîtrise des flux économiques et financiers qui donne la puissance.
2.2 Théories de la mondialisation et de l’interdépendance
Ces théories relativisent l’influence de la géographie. Dans un monde globalisé, ce sont les flux transnationaux (commerciaux, financiers, humains, technologiques, etc.) qui comptent davantage que le contrôle territorial.
La sécurité des États dépend de leur interconnexion aux réseaux mondiaux. Cependant, certains espaces gardent une importance stratégique pour contrôler ces flux.
2.3 La géopolitique critique
Ce courant s’intéresse aux discours géopolitiques et à la manière dont ils façonnent les représentations du monde. Les catégories géopolitiques ne sont pas objectives mais socialement construites.
La géopolitique critique analyse comment le langage géopolitique légitime ou critique les politiques des États. Elle adopte une perspective critique sur les relations de pouvoir.
- Études de cas régionales
3.1 La géopolitique des États-Unis
Les États-Unis défendent leur hégémonie par leur puissance maritime et leur contrôle des espaces stratégiques (Amérique latine, Moyen-Orient, Asie orientale). Ils promeuvent la démocratie et le libéralisme économique.
Mais leur pouvoir est contesté par la montée de la Chine et le révisionnisme de la Russie. Leur politique étrangère est tiraillée entre isolationnisme et interventionnisme.
3.2 La géopolitique de la Russie
La Russie s’appuie sur ses ressources énergétiques et nucléaires pour retrouver son statut de grande puissance. Elle cherche à reconquérir sa sphère d’influence dans l’espace post-soviétique face à l’OTAN.
Mais l’immensité de son territoire, la diversité de ses populations et la faiblesse de son économie constituent des défis stratégiques.
3.3 La géopolitique de la Chine
La montée en puissance de la Chine s’explique par sa démographie, sa croissance économique et ses ambitions nationales. Elle renforce ses capacités militaires et sa présence en Asie orientale.
Mais des fragilités existent (disparités régionales, corruption, problèmes environnementaux). Sa politique extérieure oscille entre intégration et affirmation de sa puissance.
Conclusion
En dépit de la mondialisation, la géographie reste un facteur clé des relations internationales. Les théories géopolitiques éclairent les motivations des politiques étrangères et les rivalités de pouvoir. Mais elles doivent être analysées de manière critique.
La géopolitique contemporaine prend en compte les flux transnationaux et l’interdépendance croissante entre les États. Mais le contrôle de certains espaces garde une importance stratégique. Les discours géopolitiques façonnent également les représentations du monde et légitiment les politiques des États.
Voici quelques références clés sur la géopolitique des relations internationales:
Ouvrages généraux:
- Lacoste, Y. (2006). Géopolitique: la longue histoire d’aujourd’hui. Larousse.
- Foucher, M. (2015). La bataille des cartes: Analyse critique des visions du monde. François Bourin Éditeur.
Sur les théories classiques:
- Mackinder, H.J. (1904). The Geographical Pivot of History. The Geographical Journal, 170(4), 298-321.
- Mahan, A.T. (1890). The Influence of Sea Power upon History, 1660-1783. Little, Brown.
- Spykman, N.J. (1942). America’s Strategy in World Politics: The United States and the Balance of Power. Harcourt, Brace and Company.
Sur la géopolitique contemporaine:
- Brzezinski, Z. (1997). Le grand échiquier. Hachette Littératures.
- Attali, J. (1991). 1492 : la conquête du paradis : la chute du communisme. Fayard.
- Foucher, M. (1991). Fronts et frontières: un tour du monde géopolitique. Fayard.
Sur la géopolitique critique:
- Tuathail, G.O. (1996). Critical geopolitics: the politics of writing global space. University of Minnesota Press.
- Dalby, S. (1998). The Geopolitics Reader. Routledge.
Sur les études de cas régionales:
- Cohen, S. (2015). Geopolitics: The Geography of International Relations. Rowman & Littlefield.
- Blouet, B. (2005). Global Geostrategy: Mackinder and the Defence of the West. Routledge.
- Chan, G. (2008). Chinese Perspectives on International Relations: A Framework for Analysis. Palgrave Macmillan.